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FONDATION
MOSES MENDELSSOHN |
26 janvier 2013
A LA RECHERCHE DU YIDDISH A BUCAREST 2e PARTIE
La semaine a été très active ! J'ai rencontré de nombreuses personnes et visité de très beaux lieux, toujours armé de mon mini studio de tournage. L'un des moments forts a été la visite de la face cachée du théâtre juif d'état de Bucarest. Accompagné de Andrei Munteanu, jeune metteur en scène de Kishinev, j'ai vu tout ce que le public ne voit pas : les coulisses, le balcon avec les projecteurs, les loges des acteurs, les costumes de plus de 50 ans … Il m'a tout montré. Et Andrei Munteanu est une perle rare, car il est peut-être la seule personne de moins de 30 ans qui parle couramment yiddish en Roumanie, l'ayant appris de sa grand-mère quand il était petit. Donc il dirige les acteurs, mais les aide également pour la prononciation du yiddish. Et il parle un très beau yiddish de Bessarabie.
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Andrei Munteanu |
J'ai pu assister à une répétition et poser quelques questions aux acteurs. J'ai rencontré Geni Brenda, actrice depuis une quinzaine d'années dans ce théâtre, et qui apprend le yiddish, quand elle le peut, dans les programmes d'été en Angleterre, en France... Même si elle n'a pas la possibilité de l'apprendre continuellement et de le parler régulièrement, ces quelques mois de yiddish intensifs l'ont beaucoup aidé, et on a discuté un peu en yiddish.
Enfin, j' ai eu la chance de m'entretenir avec l'actrice et nouvelle directrice du théâtre, Maia Morgenstern.
Répétition de la nouvelle production "Yentl" |
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le metteur en scène Erwin Simsensohn |
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Geni Brenda |
Maia Morgenstern |
Pour les acteurs, le théâtre est un peu une école de yiddish. Ils jouent des pièces dans une langue que la majorité ne comprend pas au début, mais ils apprennent la langue à force. Certes, pas de manière académique, et l'accent n'est pas toujours très bon, mais quand ils jouent, ils comprennent ce qu'ils disent. Et petit à petit ça vient. Bien-sûr, l'intérêt pour la langue yiddish est très différent selon les acteurs.
Au niveau universitaire, j'ai fait la rencontre de Felicia Waldman, enseignante dans le cursus des études juives à Bucarest. Elle m'a confié que malheureusement, il n'y a pas de cours de langue yiddish, principalement parce qu'il n'y a personne disposé à enseigner le yiddish. Peut-être dans le futur, l'université trouvera de l'argent pour payer quelqu'un de l'étranger à venir enseigner le yiddish. En attendant, les professeurs encouragent et aident les étudiants motivés à participer à des séminaires d'été de yiddish.
L'une de ces étudiantes s'appelle Madalina Nitu. Elle est allée à son premier séminaire de yiddish cet été à Tel Aviv, et elle a adoré. Elle prévoit avec ses amis de commencer dans quelques semaines un « club » où ils apprendront par eux-mêmes, ensemble, la langue yiddish. Donc même si aucun cours officiel de yiddish a lieu à Bucarest, ce « club », soutenu par les professeurs et des membres du centre culturel juif, sera un lieu d'échange et d'enseignement de la langue yiddish. Ça n'a pas encore commencé, mais souhaitons leur du succès dans cette entreprise. Peut-être est-ce le début d'un cours plus « officiel »...
Felicia Waldman |
Madalina Nitu |
Il me reste encore à rencontrer le professeur de littérature yiddish, qui ne connait malheureusement pas la langue, mais qui, parait-il, est très intéressante.
J'ai enfin visité trois synagogues : le Templul Unirea Sfântă, qui abrite aujourd'hui le musée du judaïsme, le Choral Temple de l'exterieur, car l'intérieur est en rénovation, et la « grande synagogue ». Un vieux monsieur m'a fait la visite de la synagogue, ainsi que de l'exposition sur les juifs de Roumanie pendant la seconde guerre mondiale.
Extrait de la visite:
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Nous avons un... comment on dit...
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autel ?
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.. euh, lieu saint...
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Armoire sainte ?
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... euh lieu saint .... où sont placés .... euh ... les rouleaux saints...
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Aron Hakodesh ?
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.. euh oui ! Aron Hakodesh .......... Vous êtes juif ?
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Oui..
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Aahh.. on peut parler...
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Dimanche soir nous allons assister à une première au théâtre, Blonzhende Stern (Wandering Stars), d'après un roman de Sholem Aleykhem.
Et lundi je quitte Bucarest pour aller à Cluj où, l'on m'a dit, un cours de yiddish est donné à l'Université.
Ma quête du yiddish à Bucarest est terminée. Merci à Cristina qui m'a beaucoup aidé. En février, Madalina, Cristina et Geni pourront peut-être continuer à apprendre le yiddish ensemble.
En conclusion, il n'y a aucun aucun moyen académique d'apprendre la langue aujourd'hui là-bas, mais les initiatives personnelles, et le théâtre juif sont des possibilités d'entendre et d'apprendre plus sur le yiddish.
22 janvier 2013
A LA RECHERCHE DU YIDDISH A BUCAREST
Apres avoir quitté Odessa en Ukraine, j'ai passé une semaine à Kishinev en Moldavie, anciennement la Bessarabie. Grâce à Benjy Fox-Rosen et Julie Dawson, deux américains qui passent l'année à Kishinev et parlent yiddish, j'ai pu rencontrer quelques personnes pour me parler de la situation à Kishinev : Marina Shraibman, veuve de l'écrivain en langue yiddish Yechiel Shraibman, le chanteur Slava Farber, ainsi que Efim Chorny et Suzanna Ghergus. Tout le monde m'a dit que, malheureusement, personne n'apprend le yiddish aujourd'hui à Kishinev, et je n'ai trouvé aucune institution concerné par le yiddish.
Puis je suis arrivé en Roumanie, où j'ai d'abord passé 3 jours à Iasi. C'est LA ville où est né le théâtre yiddish en Europe, avec la première représentation, en 1876, du théâtre yiddish de Avrom Goldfadn. C'est également là où ont été imprimés les premiers journaux en hébreu et en yiddish, au 19e siècle. Malheureusement aujourd'hui il ne reste presque plus rien. Même la synagogue, construite au 17e siècle, était en rénovation quand j'y étais, depuis déjà de nombreuses années, et on ne sait pas jusqu'à quand.
Un cours de yiddish est donné pour les étudiants faisant un mastère d'études juives, mais c'est un cours pour débutants, de mars à juin, 2 heures par semaine. Trop peu selon Francisca Solomon, qui tiendra ce cours.
Et me voici maintenant à Bucarest, capitale de la Roumanie ! Si je dois trouver quelque-chose concernant le yiddish, c'est bien ici ! Pourtant ce n'est pas si évident...
J'ai rencontré Cristina Zanfirescu, une fille qui a fait deux fois le séminaire d'été de langue yiddish. Elle m'a dit qu'il n'y a pas grand-chose concernant des cours de yiddish à Bucarest. Mais mon projet lui plait, et elle a décidé de m'aider. Nous sommes devenus deux détectives à la recherche du yiddish à Bucarest. Elle me montre les endroits à chercher, on y va en voiture, me donne des conseils, et on discute ensemble de l'avancement du projet. Elle est intéressée aussi car elle peut rencontrer des gens concernés par le yiddish, et peut-être un cours ou « club » auquel elle pourrait participer. Nous avons visité des synagogues, le JCC (Jewish Community Center), le musée du judaïsme, situé dans une très belle ancienne synagogue. Nous avons fait la rencontre de Fernando, qui travaille à l'ambassade du Brésil, et fait de temps en temps des visites du Bucarest juif. Beaucoup d'immeubles ayant une architecture moderniste, furent construits dans les années 30 par des juifs. L'architecture à Bucarest est très intéressante. On y trouve côte à côte des bâtiments de style classique, romantique, moderniste, soviétique, post-soviétique...
Fernando... |
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Cristina... |
... à la recherche du yiddish... |
Touts les personnes à qui j'ai parlé du yiddish en Roumanie m'ont dit la même chose : il faut aller voir le théâtre juif de Bucarest. Et nous y sommes bien-sûr allés.
Le théâtre juif de Bucarest est une institution de par son histoire. Crée au début des années 30, les représentations ne furent interrompues que quelques mois pendant la guerre. Il est devenu après la guerre un théâtre juif d'état (state jewish theatre), et son activité continue encore aujourd'hui. Les pièces sont jouées en yiddish ou en roumain. Malheureusement très peu de gens travaillant dans le théâtre parlent yiddish. Nous avons assisté à une représentation en yiddish. Des écouteurs avec traduction simultanée sont proposés au public ; beaucoup de gens sont venus assister à la pièce, mais je pense Cristina et moi étions les seuls à ne pas prendre d'écouteurs. Et pour dire vrai, nous avons pas trouvé la pièce très bien, et le yiddish parlé non plus. Mais le théâtre yiddish existe malgré tout.
Fernando qui nous a fait la petite visite guidée nous a fait rencontrer Marcel qui travaille dans le théâtre depuis 12 ans. Un homme très sympathique et passionné. Et grâce à Marcel, nous avons rencontrer André, un jeune metteur en scène qui vient de Kishinev, et qui parle couramment yiddish. Je vais rencontrer Geni, une actrice qui a suivi quatre séminaires d'été de yiddish. Et je vais également rencontrer Maia Morgenstern, actrice roumaine connue notamment pour avoir joué dans La Passion du Christ, et qui est depuis quelques mois la nouvelle directrice du théâtre.
Je vais également rencontrer Felicia Waldman qui travaille au département des études juives de l'université. Notre quête continue...
7 janvier 2013
ODESSA (MAMA)
Fini la neige, fini le ciel gris, me voici à Odessa, avec la mer, les mouettes et le ciel bleu. J'ai passé une longue nuit en train d'abord, partageant une cabine avec des russes qui me parlent, et m'offrent du pain, des patates et cornichons. Ils sont gentils, mais ils arrêtent pas de me poser des questions et de rire, et moi, je ne comprends rien, le russe étant vraiment une langue qui ne ressemble à rien (que je connais). Mais bon, après 14h de trajet, je descend du train, et j'apprécie le soleil sur ma tête.. ENFIN !
Odessa est une très belle ville portuaire donnant sur la mer noire. Fondée officiellement en 1794, la ville devait s'appeler Odysseos (les villes portaient fréquemment des noms grecs), mais ce nom fut féminisé selon le souhait de l'impératrice Catherine II, en Odessa. L'un des pères fondateurs fut le duc de Richelieu, qui après avoir fui la révolution française, s'installa à Odessa et en devint le gouverneur.
Déclaré port franc au 19e siècle, la population augmenta rapidement, les habitants d'Odessa pouvant travailler et jouir d'une liberté qu'ils ne connaissaient pas ailleurs. Odessa devint la 2e plus grande ville de l'empire russe au 19e siècle en terme de population juive, après Varsovie.
C 'est également à Odessa que fut tourné le film Le Cuirassé Potemkine, considéré comme un chef d'oeuvre dans l'histoire du cinéma.
Je me suis promené dans les rues, sur la plage, visité le musée juif (petit mais authentique avec des objets appartenant aux juifs d'Odessa), ainsi que les centres culturels. J'ai cherché, mais je n'ai rien trouvé concernant le yiddish. Les vacances et la célébration de la nouvelle année ne m'ont pas aidé non plus à rencontrer les gens susceptibles de m'aider pour cette recherche. Il y a quelques groupes de musique klezmer, et les centres culturels juifs enseignent le russe, l'ukrainien, l’hébreu et l'anglais. Pas d'argent ni de place pour inclure du yiddish. Je trouve cela malheureux pour cette ville qui fut si juive.
Odessa est une ville très agréable, un peu chère par rapport aux autres villes d'Ukraine (dès fois 3 fois plus chers pour manger ou boire dans un café!), mais la mer et ciel bleu en valent le coût.
Je suis depuis quelques jours à Kishinev en Moldavie. Il y a de la neige et de la glace... Mais le ciel est bleu en ce lundi 7 janvier, Noël orthodoxe.
31 décembre 2012
Kiev et Kharkov
Mon arrivée à Kiev a débuté en fanfare avant de progressivement se calmer. Après un trajet en train couchette de Lviv à Kiev, mon amie Tetyana que j'avais rencontré cet été au séminaire de yiddish à Paris est venu m'accueillir à la sortie du métro. Et le soir même, on est allé au concert de Pushkin Klezmer Band dans un bar-concert. Le clarinettiste, leader du groupe, est un ami de Tetyana, et également son élève. Oui car Tetyana enseigne le yiddish à Kiev. On est allé voir voir une deuxième fois Pushkin Klezmer Band, mais cette fois dans une synagogue, où avait lieu une soirée pour Hanoucca, la fête des Lumières.
On a visité la ville, les belles églises aux dômes dorés, dont l'église Ste Sophie qui date du 11e siècle. J'ai vu la statue de Sholem Aleykhem, qui vécut à Kiev quelques années.
Mais le grand froid qui était tombé (jusqu'à -15°C) ne m'a pas incité à beaucoup sortir.
J'ai assisté au cours de yiddish qui a lieu une fois par semaine à l'Université. Ils étaient environ 10 étudiants, dans une atmosphère très détendue. J'ai pu interviewer une étudiante, Oksana, Mitya Gerasimov, le clarinettiste de Pushkin Klezmer Band, et bien-sûr Tetyana Batanova.
Après une semaine, j'ai pris un bus pour Kharkov. Environ 8 heures dans un petit et vieux bus, mais le trajet s'est plutôt bien passé. Alors qu'à Kiev, on entend un mélange d'ukrainien et de russe (enfin pour ceux qui comprennent), à Kharkov, on ne parle quasiment que russe. D'ailleurs ça serait plutôt KharkIv. Deuxième plus grande ville d'Ukraine, Kharkov fût la capitale de la République socialiste soviétique d'Ukraine de 1917 à 1934. Grand centre économique, on peut y voir la très grande place de la Liberté, avec une statue de Lénine érigée au centre.
J'ai rencontré Zhenya Lopatnik, qui fut l'enseignante de yiddish de Tetyana à Kiev. Zhenya enseigne le yiddish et l'hébreu à Kharkov, et travaille au centre communautaire juif. Elle est également chanteuse, notamment dans le Kharkov klezmer band. Elle est connue entre autre pour avoir mis en musique un poème d'Avrom Sutzkever, Ver vet blaybn, qui a été chanté et repris de nombreuses fois.
BONNE ANNÉE !!
18 decembre 2012
Lviv
Le trajet de Lublin en Pologne vers Lviv en Ukraine fut peut-être le plus rustique jusqu'ici. Un vieux bus délabré et très peu chauffé, mais qui roule. Environ 6 heures de trajet dont presque 2h à la frontière. Sortie de la Pologne, contrôle des passeports. Le contrôleur regarde mon passeport, ma tête, et me demande une autre pièce d'identité, pour vérifier. Finalement après 10 minutes ça passe. Ouf ! 2 eme contrôle à l'entrée de l'Ukraine. Contrôle plus rigoureux. Le contrôleur regarde mon passeport, ma tête, me demande ce que je viens faire en Ukraine. Elle me dit que je parle plutôt bien le polonais (!!!), je lui répond que j'ai passé plus d'un mois en Pologne, mais quand même... ! Elle me demande une autre pièce d'identité, puis me demande de venir dans son bureau. Je commence un peu à flipper. Je dois ensuite faire ma signature pour la comparer avec celle du passeport. Mais le froid et ma sale écriture ne viennent pas m'aider. Apparemment la photo sur le passeport ne me ressemble pas. Peut-être n'aurais-je pas dû me raser la barbe juste avant, mais plutôt me couper les cheveux. Finalement après quelques contrôles supplémentaires, et lui avoir décrit ma signature (« là J, G et enfin Davis.. »), elle me laisse reprendre le bus. Bon, ça y est je suis en Ukraine.
L'arrivée s'est passée beaucoup plus facilement. Le bus m'amène même jusqu'au centre ville, alors que normalement j'aurais dû prendre un taxi ou un bus. Mon hostel est juste à côté, et j'y arrive à pied en 5 minutes.
Capitale de l'Ukraine de l'Ouest, centre historique de la Galicie, la vieille ville de Lviv est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. On prend plaisir à se promener dans le centre, avec ses beaux bâtiments à l'architecture variée, ses nombreuses églises, catholiques, orthodoxes, arméniennes... et la neige qui a recouvert toute la ville lui donne un éclat supplémentaire, même si le sol est un peu glissant, et que tomber dans la neige n'est pas anormal. Ca ne fait pas mal, mais c'est froid.
Le caractère plutôt nationaliste de Lviv peut s'expliquer par le fait des différentes puissances qui ont dominé la ville à travers l'histoire. Polonaise, autrichienne, polonaise à nouveau, soviétique... Finalement Lviv est l'Ukraine n'est devenue indépendante il n'y a qu'environ 20 ans.
On peut voir de nombreuses traces de la présence juive à Lviv avant la guerre. La plus évidente et charmante sont les différentes écritures en yiddish sur certains murs. Magasins, cafés, marchands de chapeaux...
La rue Staro Evreiska (vieux juif) était l'artère centrale de la vieille ville où vivaient la population juive. On peut voir les traces de mézouzas à l'entrée de certains immeubles. J'ai rencontré Alex Nazar, qui est à la tête de la société culturelle juive de Lviv Shalom Aleykhem, et qui m'a fait une petite visite de la ville. On est rentré dans la vieille synagogue Golden Rose, où il ne reste malheureusement que des murs. Il m'a également montré le balcon de l'appartement où a vécu Sholem Aleykhem, après avoir fui les pogroms de Kiev et avant de partir pour l'Amérique.
J'ai visité la synagogue Cori Gilod, où a lieu des offices religieux, mais ce ne fut pas si facile d'y rentrer. A l'entrée, j'explique à un monsieur que je suis un touriste français, que je veux visiter la synagogue.. « Ok ok, mais on doit appeler le rabbin d'abord ». Un appel, deux appels, le rabbin ne repond pas. On attend 10 min, 3e appel, il ne répond toujours pas. On attend, j'insiste pour dire que je veux juste voir l'intérieur, prendre peut-être 1 ou 2 photos, puis partir, mais je ne parle ni ukrainien, ni russe, et on ne se comprend pas. Finalement je sors 10 hryvnia de ma poche (la monnaie d'Ukraine), et une minute après je suis dans la synagogue ; sans qu'on ait appelé le rabbin...
Pour ce qui est d'apprendre le yiddish à Lviv ou rencontrer les artistes de la yiddishkayt, c'est une autre affaire. Aucune organisation ne donne des cours de yiddish. Mais grâce à mon amie Tetyana, j'ai pu rencontrer les bonnes personnes. Oksana, Lada et Zhenia sont trois jeunes gens dont l'interet pour le yiddish m'a époustouflé. Après 3 cours de yiddish donnés cet été par Joanna Lisek, ils ont décidé de continuer à apprendre cette langue. Tout d'abord avec Boris Dorfman, dont le yiddish est la langue maternelle. Mais Boris Dorfman n'étant pas un « professeur » à proprement parler, ils ont continué tout seul. Aujourd'hui, ils se retrouvent toutes les semaines, deux fois par semaine, tous les trois, sans professeurs, parlent en yiddish, lisent et traduisent des chansons, se donnent des devoirs, font de la grammaire... Et si une question reste sans réponse, chacun écrit à un de ses professeurs à New-York ou Tel-Aviv, et donne la réponse la semaine après. Et ils adorent ça.
Varnitchkes est un ensemble vocal dont le répertoire est en majorité des chansons yiddish. Dirigé par Sasha Somish, ce groupe qui se dit amateur se retrouve toutes semaines pour répéter, chantent pour certaines occasions et font des concerts pour les fêtes juives ou pour certains festivals. C'est Sasha qui est à l'origine de LvivKlezFest, qui a réuni de grandes stars de la musique juive à Lviv certains étés.
J'ai eu la chance d'assister à une de leurs répétitions, et on a même enregistré une chanson ensemble, Daloy Polizey.
Oksana et Sasha, qui ne se sont encore jamais rencontrés, m'ont toutes les deux dit la même chose : elles rêvent de créer un sorte de centre culturel dédié à la culture yiddish. Je les ai mis en contact, et Sasha va peut-être joindre leur classe de yiddish. Là où il y a 10 ans, le yiddish était inexistant, aujourd'hui ils sont au moins quatre à être passionnés.
13 décembre 2012
J'ai passé une petite semaine très sympathique à Lublin, ma dernière étape polonaise. Un peu galère à l'arrivée, dimanche, pas de carte, pas de hostel... J'ai pris un bus, mais après avoir marché une heure dans le froid avec mes sacs lourds, je suis rentré dans un hôtel, et demandé qu'on m'appelle un taxi pour aller à un hostel que j'avais vu dans mon guide. J'y arrive finalement, Hostel Lublin, et je sens que je suis en Pologne de l'Est... Beaucoup plus rustique, les employés ne parlent quasiment pas anglais... Au final j'ai un lit chaud, après la nuit que j'ai passé dans le bus de Vilnius à Varsovie, puis le petit matin dans le train jusqu'à Lublin.
Petite ville, avec une petite « vieille ville », mais très « heymish », chaleureux. Environ 30% de la population était juive avant 1939. C'était une des villes où les juifs avaient des droits civiques similaires aux autres, et les différentes communautés vivaient ensemble, et faisaient du commerce.
Entre le 18e et 19e siècle, Lublin devint un important centre du Hassidisme, le plus grand à la fin du 18e siècle, grâce à Jakob Yitskhak Horowitz, connu aussi sous le nom de « voyant de Lublin », un tsaddik faiseur de miracles, et qui avaient des visions mystiques.
Au 19e siècle, les juifs avaient leurs écoles, journaux, associations... Et entre les deux guerres mondiales, le Rabbin Meir Shapiro fonda la première académie talmudique qui devra former des rabbins, Chachmei Lublin Yeshiva.
Lublin fut également un grand centre de théâtre juif, Ida Kamisnka notamment y fit quelques représentations.
A la fin de la guerre, la population juive de Lublin fut anéantie, le quartier juif rasé de la carte.
A Grodska Gate, la porte, le passage, entre l'ancien quartier juif et la vieille ville, accueille un théâtre, le théâtre NN. No Name Theatre. C'est une association et un musée dont le rôle est d'enseigner ce que fut Lublin avant, comment était la vie, et retrouver les noms et informations de toutes les personnes vivant à Lublin et qui ont été assassinés pendant la guerre. Un groupe de gens très gentils, jeunes et actifs y travaille, et organise chaque année un festival, sur les traces de Bashevis Singer. Durant ce festival, un travail culturel et éducationnel est organisé, et ils amènent la culture juive des les petits villages lentours.
J'ai interviewé Witold qui travaille au Théâtre NN, et qui est aussi un conteur. Il conte surtout « Le Magicien de Lublin » de Isaac Bashevis Singer. Singer n'a jamais vécu à Lublin même, mais il en parle dans ses livres et nouvelles. Il y a même une place nommée Bashevis Singer.
J'ai également assisté à une Yiddish Tish, à l'université, un atelier de lecture et de traduction du yiddish vers le Polonais. Roman Litman, un monsieur de 78 ans vient chaque semaine à cette yiddish tish. Il est également le chef de la communauté juive de Lublin. On a parlé ensemble en yiddish, et il m'a invité à venir célébrer shabbat dans la yeshiva vendredi. C'était exceptionnel car il ne célèbrent aucun office religieux normalement dans cette yeshiva, mais c'était le shabbat avant Hanoucca... L'office de shabbat, fut tres court, prière sur le vin, pour se laver les mains, puis sur le pain. Et après un bon repas. On était une douzaine. Roman Litman était très content que je sois là, car il n'a pas l'occasion de parler yiddish très souvent.
Enfin j'ai rencontré Piotr Minski, du groupe les Klezmaholics. Ils jouent de la musique juive, un peu de klezmer, des chansons yiddish, mais ils font maintenant une fusion, mélangeant les styles, mais toujours de la musique juive.
La neige est tombée et il fait environ -5 degrés.
5 décembre 2012
Me voici à Lublin, ma dernière étape en Pologne. Mais avant d'arriver ici, j'ai passé une dizaine de jours à Vilnius en Lituanie. Laissez-moi vous en parler...
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Vilnius est une petite ville, 550 000 habitants, dans un petit pays. Mais très charmante. La vieille ville, où l'on peut voir des bâtiments à l'architecture variée, des églises catholiques, orthodoxes, des petites rues étroites et des arcades, lui vaut d'être classée à l'UNESCO. Et l'influence juive sur Vilnius, jusqu'à la seconde guerre mondiale, transforma cette ville en « Jérusalem de Lituanie », ou « Jérusalem du Nord ».
En me promenant le long de la rivière, j'ai été surpris par un panneau, où était écrit République d'Uzupis, et cela en plusieurs langues dont le yiddish. Après quelques recherches, j'ai découvert qu'Uzupis est une république officieuse, lieu de résidences de nombreux artistes, de la communauté tibétaine, sorte de Montmarte lituanien. Uzupio veut d'ailleurs dire "de l'autre côté (de la rivière)". Uzupis a sa propre armée de 12 soldats ainsi que sa propre constitution, affichée en plusieurs langues sur un mur du quartier, dont le yiddish. Cela m'a fait pensé au mouvement pataphysique de Boris Vian...
- L'Homme a le droit de vivre près de la petite rivière Vilnalé et la Vilnalé a le droit de couler près de l'Homme
- L'Homme a le droit de mourir, mais ce n'est pas un devoir
- L'Homme a le droit de faire des erreurs
- L'Homme a le droit d'être unique
- L'Homme a le droit d'aimer
- L'Homme a le droit de ne pas être aimé, mais pas nécessairement
- L'Homme a le droit d'être ni remarquable ni célèbre
- L'Homme a le droit de paresser ou de ne rien faire du tout
- L'Homme a le droit d'aimer le chat et de le protéger
- L'Homme a le droit de prendre soin du chien jusqu'à ce que la mort les sépare
- Le chien a le droit d'être chien
- Le chat a le droit de ne pas aimer son maitre mais doit le soutenir dans les moments difficiles
- L'Homme a le droit, parfois de ne pas savoir qu'il a des devoirs
- L'Homme a le droit de douter, mais ce n'est pas obligé
- L'Homme a le droit d'être heureux
- L'Homme a le droit d'être malheureux
- L'Homme a le droit de se taire
- L'Homme a le droit de croire
- L'Homme n'a pas le droit d'être violent
- L'Homme a le droit d'apprécier sa propre petitesse et sa grandeur
- L'Homme n'a pas le droit d'avoir des vues sur l'éternité
- L'Homme a le droit de comprendre
- L'Homme a le droit de ne rien comprendre du tout
- L'Homme a le droit d'être d'une nationalité différente
- L'Homme a le droit de fêter ou de ne pas fêter son anniversaire
- L'Homme devrait se souvenir de son nom
- L'Homme peut partager ce qu'il possède
- L'Homme ne peut pas partager ce qu'il ne possède pas
- L'Homme a le droit d'avoir des frères, des sœurs et des parents
- L'Homme peut être indépendant
- L'Homme est responsable de sa Liberté
- L'Homme a le droit de pleurer
- L'Homme a le droit d'être incompris
- L'Homme n'a pas le droit d'en rendre un autre coupable
- L'Homme a le droit d'être un individu
- L'Homme a le droit de n'avoir aucun droit
- L'Homme a le droit de ne pas avoir peur
- Ne conquiers pas
- Ne te protège pas
- N'abandonne jamais
J'ai visité la seule synagogue ayant survécu à la guerre, et bien que la population juive soit minime, des offices religieux y ont toujours lieu.
C'est aussi la ville du Gaon de Vilna, génie aux dons extraordinaires, qui aurait mémorisé la Bible à 3 ans, étudié le Talmud à 7 ans, l'astronomie à 8 ans... Il devint le chef de file des Mitnagdim, courant du judaïsme opposé au hassidisme, qui met l'accent sur la joie, le chant, la danse. Il est enterré dans le cimetière juif.
Dans un registre plus dramatique, j'ai visité le mémorial de Paneriai, où 100 000 personnes ont été exécutées durant la seconde guerre mondiale, dont 70 000 juifs. Situé au milieu d'une foret, le silence règne, il n'y a personne. Juste les fosses où allaient être tués et enterrés les juifs, soviets, polonais...
J'ai rencontré un survivant de la guerre, Meilach Stalevitch, 89 ans, né à Vilnius. Je l'ai interviewé et nous avons parlé en yiddish. Il m'a raconté ses souvenirs sur Vilnius avant la guerre, et m'a dit que pour lui la langue yiddish était parti avec toute la population juive. Ce qui est une réflexion assez commune et normale pour les anciens survivants de la Shoah.
C'est à Vilnius qu'il y a tout de même le Vilnius Jewish Institute, branche de l'université qui accueille tous les étés, pendant six semaines, un séminaire d'été consacré à la langue et la culture yiddish. J'ai parlé avec Indre Joffyte, qui travaille à l'Institut et enseignera le yiddish aux débutants. Elle m'a dit qu'à part le séminaire d'été, on ne peut pas apprendre le yiddish à Vilnius, et que de toute manière, le pays et la population sont si petits, et la population juive ou les personnes intéresses dans cette culture est minuscule.
Enfin j'ai rencontré Rafail Karpis, ténor à l'opéra. D'origine juive, il connait un peu la langue yiddish qu'il a appris avec les chansons, et il se rappelle quand ses grands-parents parlaient en yiddish. Connue dans toute la Lituanie, il a enregistré un CD de chansons yiddish, qui viennent la plupart de Lituanie. Accompagnée d'un pianiste, un concert pour la sortie officielle du CD aura lieu ce printemps.
J'ai beaucoup aimé mon petit séjour à Vilnius, et rencontré des gens très gentils. Mais c'est quand même triste de voir qu'il n'y a plus rien de juif, et rien qui ne se passe, quand on voit l'énorme influence qu'a eu la population juive sur Vilnius.
25 novembre 2012
La fin de mon séjour à Varsovie s'est vraiment bien passée. J'ai réalisé trois interviews d'étudiants en yiddish. Certains avaient des origines juives, d'autres non. Les uns apprennent le yiddish pour se rapprocher d'une certaine manière de leurs racines, d'autres car ils trouvent la culture yiddish très intéressante, et faisant partie de la culture polonaise.
Alexandra Jakubczak et Mateusz Majman |
Mikolaj Glinski |
Zuzanna Ziolkowska
J'ai visité l'autre cimetière juif de Varsovie, le vieux, qui est en règle générale fermé, mais ouvert à certains moments avec visite guidée. Et c'était très impressionnant. Au milieu d'un bois, les pierres tombales encore debout se confondent avec les arbres. Et un peu plus loin, ce sont des centaines de pierres tombales qui gisent allongées, les unes sur les autres.
Au niveau artistique, j'ai pu voir et entendre quelques belles choses. D'abord les concerts dans la synagogue : Marcin Malinowski et le NeoQuartet, qui ont joué une musique un peu jazzy/classique d'inspiration juive ; puis Mikołaj Trzaska, qui a plus fait quelquechose comme du free-jazz. (J'avoue avoir beaucoup aimé le 1er groupe, moins le 2e..) C'était une belle soirée.
Ecoutez un extrait ici
Et un autre là
Marcin Malinowski et le NeoQuartet |
Mikołaj Trzaska
Puis j'ai pu assister à une répétition de pièce de théâtre yiddish. La troupe se veut ambulante. Crée et écrit par Kobi Weitzner, la pièce réunit l'humour, les traditions et les chansons, le tout en yiddish. Kobi Weitzner, un sacré personnage, dont le yiddish est la langue maternelle, donne des cours de yiddish, d'hébreu, s'occupe de la partie yiddish dans le magazine Dos Yiddishe Vort, joue et chante... Il a toujours des histoires à raconter de son enfance, le mot pour rire, et comme si ça ne suffisait pas, il parle un très bon français. C'était dur à faire car il bouge tout le temps dans tous les sens, mais j'ai quand même réussi à l'interviewer.
Kobi Weitzner |
Ca va faire trois mois que je suis parti. Les jours raccourcissent, de moins en moins de lumière, de plus en plus froid, et encore il fait chaud pour la période. Je ne trouve pas toujours ce que je veux, et en règle générale, les meilleurs moments et rencontres se font quelques heures avant de quitter la ville ou le pays...
16 novembre 2012
Varsovie, capitale de la Pologne, nous montre un réel contraste entre modernité et tradition. En se promenant dans le centre, on se croirait à Wall Street ou à la Défense, avec ses grattes-ciels, ses routes et ses travailleurs. Et si on marche un peu plus loin, on se retrouve dans la vieille ville, ou des maisons anciennes colorées côtoient les boutiques, cafés et restaurants. Les maisons « anciennes » ne le sont pas vraiment, car Varsovie a été détruite à presque 85% durant la seconde guerre mondiale. Mais les Polonais ont reconstruit la vieille ville presque à l'identique, ce qui lui vaut d'être inscrite dans le patrimoine de l'UNESCO.
J'ai beaucoup marché dans la ville. C'était agréable, mais on dirait que Varsovie est faite principalement pour les voitures. Il est dés fois très difficile de traverser la rue, on doit faire un détour, ou se perdre dans les labyrinthes de tunnels. La vieille ville est sympathique pour y flâner, presque aucune voiture, et de nombreux touristes les week-ends. Mais elle sert principalement aux touristes, les Varsoviens, étudiants ou travailleurs passent leur temps dans d'autres quartiers.
En ce qui concerne le yiddish, c'est peut-être la ville en Pologne où c'est le plus accessible. Un centre culturel y est dédié, où l'on peut apprendre le yiddish toute l'année, mais aussi l'hébreu. Il y a des conférences, ateliers et autres activités. Le centre organise également chaque année un programme intensif de yiddish pendant trois semaines durant l'été. Une quarantaine d'étudiants sont répartis en 4 groupes. J'ai assisté à deux cours, débutants, et 2e année et la plupart étaient des jeunes, voire très jeunes ! Je vais réaliser quelques interviews ce week-end d'étudiants et de professeurs.
Il y a deux revues concernant le yiddish à Varsovie, CWISZN, un magazine très bien fourni, avec de belles images, et qui traite du judaïsme et de la culture yiddish pour les Polonais et juifs Polonais en Europe et dans le monde. Dos Yiddishe Vort, qui comporte une partie en polonais, et une partie en yiddish.
Je vais également assister à un concert de jazz d'inspiration juive, la « nouvelle musique juive », qui aura lieu samedi soir dans la belle synagogue Nozyk, seule maison de prière à avoir survécu pendant la seconde guerre mondiale, construite en 1902 et restaurée en 1983.
Je suis allé voir les sites et mémorials juifs, un pan du mur du ghetto de Varsovie est visible à l'intérieur d'une résidence. Un monument est érigé en l'honneur des héros du ghetto de Varsovie. Un musée dédié à la culture juive en Pologne sera ouvert juste en face l'année prochaine.
Enfin j'ai visité le cimetière juif, très grand et beau cimetière, où l'on peut voir entre autres les tombes de Marek Edelman, héros et survivant du ghetto de Varsovie, mort en 2009, Esther Rachel Kaminska, surnommée « la mère du théâtre juif », ou Sholem An-ski, l'auteur entre autres du Dibbuk.
Pour voir le début des aventures, c'est en page 1